Le Créneau à Paris pour imaginer la ville de demain : une allocution au pré-forum mondial T’es COP ou pas CAP?

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Le pré-forum mondial organisé par Construction21 s'est tenu à Paris les 5 et 6 mars derniers. La directrice du Créneau Écoconstruction, Mylène Joncas, était invitée à prendre la parole lors de l’événement. Son allocution avait pour thème « La ville de demain ». Cette allocution avait pour objectif de visualiser collectivement l’environnement bâti de demain selon les fondements d’une ville sobre en carbone.

Cette ville évolue dans une approche écosystémique, c’est-à-dire comme « un complexe dynamique et cohérent formé d'organismes vivants et non vivants de l'environnement dans lequel et avec lequel ils sont en interaction, dans un équilibre renouvelé, grâce à une mobilisation sans précédent » (selon une définition de l’approche écosystémique inspirée de celle de collectivitésviables.org). Dans cette ville, on ne produirait qu’une quantité limitée de matières résiduelles, les déplacements des personnes et des biens se feraient par transport collectif et actif, le cadre bâti serait décarboné et à haute performance énergétique, l’électricité proviendrait de sources renouvelables, les quartiers seraient doucement densifiés et conçus pour favoriser la mixité sociale et la gestion de l’eau permettrait de préserver cette ressource essentielle à la vie. 

 

« Je souhaitais passer le message selon lequel la ville de demain devrait être une ville où l’on est responsable de ce qu’on produit, où l’on a conscience des répercussions de notre consommation. Une ville pensée en fonction des besoins réels des citoyen.nes, où le dynamisme économique n’exclut pas la gestion équitable des ressources naturelles », explique Mylène Joncas. 

 

Voici l’allocution prononcée : 

 

Mesdames et Messieurs, 

Je vous remercie de votre présence aujourd'hui et je suis très heureuse de constater cette belle mobilisation pour le bâtiment et le climat!

Aujourd’hui, je vous propose que l’on se projette dans l’avenir et qu’on imagine ensemble la ville de demain. Dans cette ville, l’humain compose avec la nature, dans un même écosystème, et, notre ère oblige, avec l’aide des technologies pour maintenir l’équilibre et répondre à ses besoins. Au sens biologique, un écosystème est une représentation d’un ensemble où le vivant et le non vivant se côtoient dans une relation d’équilibre perpétuel, naturel et dynamique. La ville de demain est cet habitat dans lequel une population évolue et peut se loger, se nourrir, se protéger.

 

Dans cette ville de demain, les décideurs sont fiers d’avoir écouté ce que disait la science en 2022. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat était éloquent : les bâtiments et l’industrie de la construction présentent un potentiel d’atténuation mondial important pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris (source : Programme des Nations Unies pour l’environnement, Rapport sur l'état mondial des bâtiments et de la construction, 2022). Les opportunités sont nombreuses : amélioration de l’efficacité et de l’utilisation des bâtiments existants, haute performance énergétique des nouveaux bâtiments, appareils et équipements efficaces, intégration des énergies renouvelables et décarbonation de la production des matériaux.

 

La ville de demain ne fait pas dans l’abondance. Elle répond aux besoins de ses citoyens(ne)s. Les bâtiments sont édifiés dans l’art de l’écoconstruction - une partie de la solution pour répondre aux défis d’un monde en changement. On fait un retour vers des matériaux moins transformés, issus de ressources renouvelables, et présents dans un rayon de proximité. Le confort n’est pas compromis et les bâtiments sont autonomes, performants et sobres en carbone.

 

La ville de demain est construite sur les fondations du passé. Carl Elefante, architecte et urbaniste est reconnu pour son énoncé : « The greenest building is one that is already built - Le bâtiment le plus vert est celui qui est déjà construit ». Le tissu urbain de la ville est enrichi de l’histoire et de la culture des bâtiments anciens. Ces derniers, loin d’être des obstacles, ont permis l’innovation et apportent une valeur ajoutée à l’environnement bâti. La rénovation et l’adaptation des bâtiments existants ont préservé leur caractère unique et mis le passé en lumière. La démolition est bannie. Les bâtiments sont conçus pour être évolutifs et, éventuellement, déconstruits. Leurs composantes circulent en boucle. Le cadre bâti est l’actif des futurs usages. 

 

Dans la ville de demain, les quartiers ont été réaménagés et doucement densifiés, favorisant une société mixte. D’anciens sites industriels sont devenus des espaces de vie et de travail qui sont fonctionnels, accueillants, tout en rappelant l'historique industriel.

La ville de demain est une conception intégrée, en cohabitation harmonieuse avec la biodiversité. Les technologies propres donnant un solide coup de main pour que les ressources soient optimisées. Ses composantes sont en harmonie dans un système qui fonctionne en boucle. 

Le déchet n’existe plus. La consommation (repensée) n’est pas excessive et les matières résiduelles, générées en d’infimes quantités, sont gérées dans une logistique hautement efficace qui les réintègre dans le complexe urbain.

 

Dans la ville de demain, les besoins en énergie s’inscrivent dans la sobriété. On utilise les ressources énergétiques avec parcimonie. Tant que possible, l’énergie opérationnelle est renouvelable. Le vent, le soleil et l’eau, la température du sol, le mouvement des marées fournissent une grande partie de l’électricité.

 

Dans la ville de demain, tout est pensé pour que la collectivité soit durable. Le design urbain va de pair avec les transports en commun et actifs, pour une mobilité propre. Se déplacer ne rime plus avec posséder (un véhicule).

  

Dans la ville de demain, on s’abreuve des eaux en surface, dans les puits souterrains et même via la pluie tombée du ciel. L’eau est purifiée avec des méthodes efficaces, inspirées de la nature. Les eaux grises sont nettoyées et reprennent le circuit de l’approvisionnement. Et comme la nature fait bien les choses, des marais filtrants, des jardins de pluie et des espaces verts permettent l’infiltration naturelle dans le sol, réduisant les risques d'inondations. 

 

Dans la ville de demain, les infrastructures sont résilientes. Là où elles sont plus denses, elles disposent de toits verts : les végétaux contribuent à filtrer l’air, à nourrir la population et à apaiser les esprits. On laisse la perméabilité du sol agir d’elle-même et des zones végétalisées jouent un rôle tampon protégeant les citadin(e)s des aléas du climat. 

 

Enfin, la ville de demain est un foyer : on s’y sent bien parce qu’elle est participative et inclusive. La ville de demain est l’aboutissement de la créativité, de l'innovation et de l'esprit de communauté.

 

Toutefois, cette ville, nous ne pouvons la construire qu'à travers le dialogue et la collaboration. Les acteurs du milieu - architectes, urbanistes, ingénieurs, entrepreneurs, citoyennes et citoyens - doivent regarder dans la même direction, unir leurs forces et trouver des solutions. Nous n’habitons qu’une seule planète : adaptons nos comportements à la complexité de l’habitat.

 

En terminant, pour concrétiser cette ville de demain, on doit pouvoir compter sur une gouvernance qui s’aligne sur une vision commune. Les humains derrière les différents niveaux de gouvernements doivent se parler et prendre des engagements concrets : par des politiques, des règlements et des incitatifs - par l’exemplarité.

 

Mesdames, messieurs, la ville de demain représente un monde de possibilités. C’est une entreprise collective qui ne pourra être réalisée que dans le dialogue et la mobilisation. Mesdames, messieurs, merci de votre écoute!

 

Images et photo : visuel T'es COP ou pas CAP" de Construction21, photo de Gabrielle Pichette (Cecobois), image générée par intelligence artificielle.

 

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