Au-delà du facteur R

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La mission exploratoire organisée par le Créneau Écoconstruction en Europe en 2018 a mis en lumière l’évolution de la composition de l’enveloppe murale européenne par rapport aux standards observés au Québec. Ce fut l’occasion de constater que les échanges entre consommateurs et professionnels contribuent à mettre de l’avant l’importance d’investir dans une enveloppe performante, et ce, bien au-delà de la « simple » efficacité thermique au moindre coût.

 

Ainsi commence le rapport Comparaison de murs performants innovants, commandé par le Créneau Écoconstruction au SEREX, et sur le point d’être publié. Entourée d’un comité aviseur composé de professionnels réputés du milieu, l’équipe écoconstruction du SEREX s’est penchée sur lesdites performances de l’enveloppe du bâtiment. Loin de renier l’importance qu’il faut accorder à une enveloppe d’une grande efficacité énergétique, d’autres facteurs méritent qu’on leur accorde une attention accrue. L’exercice visait avant tout à démystifier ces critères, peu connus du grand public, afin de rehausser la dynamique entre le consommateur et l’entreprise offrant des services de construction et de rénovation, le tout dans une optique d’amélioration de la qualité des bâtiments.

Évaluation des performances

C’est donc en interpellant des professionnels de la construction, architectes et entrepreneurs, que huit systèmes constructifs utilisés au Québec ont été analysés. Les compositions proposées étaient considérées comme performantes par leurs concepteurs, mais leur analyse a permis de les évaluer de façon stricte et indépendante en fonction de neuf critères classés selon six types de performance. Rappelons que le projet ne visait pas à comparer les murs proposés entre eux, mais bien d’évaluer leurs performances respectives en regard des critères établis.

 

Performances

Critères

Thermique

  • Résistance thermique effective (facteur RSI ou R)
  • Déphasage thermique

Hygrométrique

  • Perméance et position du pare-vapeur

Acoustique

  • Atténuation des sons aériens extérieurs

Santé et confort

  • Émission de COV
  • Étanchéité à l’air

Environnementale

  • Impact environnemental (analyse du cycle de vie)
  • Utilisation de matériaux biosourcés

Efficacité énergétique

  • Efficacité énergétique

 

Pour ce faire, un bâtiment type situé dans un contexte bien précis a été utilisé et, à l’aide de logiciels de simulation, des résultats pour chacune des coupes de mur proposées ont pu être mesurés. Il est important de souligner que les résultats obtenus ont été mesurés dans un cadre bien défini. De nombreux paramètres, tels que l’orientation, la dimension et la forme du bâtiment, la fenestration (quantité, type, disposition) et la localisation, pourraient mener à des résultats différents.

Les murs étudiés ont été retenus en fonction de leur système structural, des isolants utilisés et de la combinaison des diverses couches composant les systèmes. Ainsi, trois variations de systèmes constructifs à ossature légère en bois, deux concepts de « murs parfaits » - un concept également appelé Systèmes Isolés Totalement par l’Extérieur (SITE) -, un système à double ossature en bois, un système poteaux-poutres et un système utilisant le CLT ont fait partie de l’étude, ce qui ne signifie nullement que ce sont les seuls pouvant prétendre performer à plusieurs niveaux.

La performance thermique a été analysée sous deux angles, soit la résistance thermique effective des compositions murales ainsi que le déphasage thermique, en utilisant le logiciel Ubakus et les valeurs ont été comparées avec celles prescrites par la norme Novoclimat. La notion de déphase thermique, un concept surtout utilisé en Europe, fait référence quant à elle à l’inertie thermique des matériaux et à la capacité de « relâcher » la chaleur dans le temps, de façon à assurer un meilleur confort, particulièrement en été, grâce à un déphasage.

Pour évaluer la performance hygrométrique, la perméance et la position du pare-vapeur ont été utilisées, encore une fois avec le logiciel Ubakus. Ces critères ont permis d’étudier les transferts d’humidité à l’intérieur de la composition murale et ainsi de déterminer les risques de condensation ou d’infiltration d’eau, ce qui peut affecter plusieurs caractéristiques : durabilité des matériaux, qualité de l’air intérieur et efficacité énergétique.

L’étude portant sur la performance globale de l’enveloppe murale extérieure d’une maison unifamiliale, le confort acoustique s’est limité aux bruits aériens extérieurs à l’aide du logiciel INSUL, ce dernier mesurant l’atténuation des sons aériens. D’autres éléments, tels que les bruits d’impact, la désolidarisation des matériaux et la qualité d’exécution, sont autant de facteurs supplémentaires pouvant affecter la qualité acoustique. À noter toutefois que le cadre de l’étude ne permettait pas d’entrer dans ces détails.

Le bien-être de l'occupant

Une enveloppe performante devrait contribuer à assurer la santé et le confort de l’occupant. L’étude s’est donc intéressée aux émissions de composés organiques volatils (COV) et à l’étanchéité à l’air. Ces deux critères se sont toutefois avérés compliqués à étudier de façon théorique. L’étude des émissions de COV, bien qu’extrêmement importante, a dû simplement référer aux données techniques fournies par les fabricants. L’étanchéité à l’air se mesure facilement pour un bâtiment existant grâce à un test d’infiltrométrie qui mesure notamment le taux de changement de l’air à l’heure (CAH).

...et de la planète

Dans un contexte où on cherche à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et où le secteur de la construction s’avère l’un des plus polluants, l’analyse de la performance environnementale était incontournable dans le cadre de ce projet. Pour la mesurer, deux critères ont été retenus : l’impact environnemental des compositions murales proposées grâce à l’analyse de leur cycle de vie (ACV) et le pourcentage de matériaux biosourcés utilisés. Le logiciel OpenLCA et la base de données EcoInvent ont été utilisés pour l’ACV, alors que la portion de matériaux biosourcés a été calculée sur la base d’un pourcentage massique/m2, une méthode inspirée du label Produit Biosourcé. Tel que mentionné précédemment, un mur ne saurait être qualifié de performant sans une excellente efficacité énergétique qui se traduit par la consommation d’énergie. À cette fin, les logiciels EnergyPlus et OpenStudio ont été utilisés.

Un investissement majeur pour le consommateur

Enfin, puisqu’il s’agit souvent d’un élément déterminant dans les choix de consommation, il apparaissait nécessaire de réfléchir à la question du coût de chacune des enveloppes étudiées. Compte tenu de la volatilité des prix, il aurait été hasardeux d’avancer une valeur absolue, c’est pourquoi une comparaison relative a été privilégiée. De plus, considérant le degré de complexité pour la mise en œuvre, il a été jugé important d’en faire mention dans l’analyse, car une enveloppe complexe requiert généralement plus de temps pour sa réalisation.

Ce projet a permis de mettre en lumière une variété de caractéristiques pouvant influencer les performances de l’enveloppe du bâtiment. L’achat d’une maison représentant bien souvent l’un des investissements les plus importants dans une vie, il est crucial de bien connaitre l’importance accordée à chacune d’entre elles.

Le projet se voulait une première étape pour introduire ces notions dans le langage usuel de la construction. D’autres avenues sont maintenant dans les cartons pour creuser davantage la question : élaboration d’une enveloppe murale optimale et préfabricable, prise en compte de la perspirance de l’enveloppe, monitorage de bâtiments réels, etc.

Le sujet vous intéresse? Vous voulez prendre connaissance du rapport complet? En vous abonnant à l’infolettre du Créneau Écoconstruction, vous serez informé dès qu’il sera disponible. De plus, une session d’accompagnement personnalisé est prévue cet hiver pour les concepteurs et entrepreneurs. Ce sera l’occasion de faire analyser vos propres compositions et de déterminer des pistes d’amélioration.

Chronique du Voir Vert, par Claire Sirois, ing. f., conseillère industrielle, et Franz Segovia Abanto, Ph.D., chercheur

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